Acquisition :

vers une next-gen d’entrepreneurs ?

Le nombre d’acquisitions de startups s’est accéléré en France, projetant son écosystème vers une nouvelle ère : l’âge de maturité ?

2016

Mars 2016 : Stupeflix par GoPro

Avril 2016 : Withings par Nokia (170 millions d’euros)

Juin 2016 : ePawn par Starbreeze (5,5 millions d’euros)

Juillet 2016 : Moodstocks par Google

Juillet 2016 : Pili Pop par Unique Heritage Media

Octobre 2016 : Attractive World par EliteRencontre (12 millions d’euros)

Décembre 2016 : IKO Systems par Sidetrade

Décembre 2016 : Infinit par Docker

2017

Janvier 2017 : Bunkr par Synthesio

Si 2016 a été une année faste pour les acquisitions de startups françaises, le bal 2017 s’est déjà ouvert avec une première annonce, qui sera bientôt suivie d’une seconde (encore sous embargo).

Le rythme continue-t-il de s’accélérer ? C’est certainement le sentiment, et l’espoir, d’une grande partie de l’écosystème.

Pourquoi l’espoir ? Tout simplement parce que ces acquisitions sont un excellent signal qui pourrait très bien contribuer à envoyer l’écosystème vers une étape supérieure.

Pour approfondir ce sujet, nous avons été à la rencontre de Baptiste Fradin (COO d’Infinit), de Edouard Petit (CMO Bunkr) et de Rachel Delacour (CEO de Bime, devenue General Manager de Zendesk Explore après l’acquisition de sa société pour 45 millions d’euros en Octobre 2015).

VALENTIN PRINGUAY

Entrepreneur & Journaliste. Explorateur de Terra Incognita depuis 1986.

L’esprit entrepreneur dans la peau

Ma première question pour ces entrepreneurs était invariablement la même : est-ce que tu penses lancer une autre startup un jour ?

Une question innocente et simple, n’est-ce pas ? Mais vous auriez posé la question à Edouard Petit il y a à peine deux mois, sa réponse aurait été totalement différente de celle qu’il me fournit aujourd’hui.

« On se serait parlé fin novembre-début décembre, je t’aurais dit non ! »

Le discours est pourtant déjà différent :

« Dès que la page a été tournée avec l’annonce de l’acquisition, j’ai ressenti un vide. »

Un sentiment partagé par Baptiste Fradin qui m’explique :

« Sur la finalisation de la revente, je ne pensais pas du tout à recommencer une boîte. »

Il ne connaît que trop bien les sacrifices personnels que demande l’entrepreneuriat. Il s’est pourtant très vite senti partagé. Il sait avoir fait de nombreuses erreurs dans sa première startup, mais dans un même temps : « si jamais je refais un business demain, je pourrais aller tellement plus vite grâce à ce que j’ai appris. Et puis il y a des sentiments propres à l’entrepreneuriat que je me verrais mal ne plus revivre. L’épreuve a été rude, mais plus c’est rude, plus les réussites sont jouissives à vivre. Je vais vouloir revivre ça ! »

On remarquera avec quelle vitesse le discours est passé d’un « si jamais je refais un business » à une exclamation sans appel signant un retour à l’entrepreneuriat obligatoire.

Le constat est sensiblement le même pour Rachel Delacour, même si la situation est totalement différente. Contrairement à Edouard et Baptiste qui ont rapidement quitté la structure acquisitrice, Rachel a pris la tête de Zendesk Explore, une business unit qu’elle dirige avec quasiment la même latitude que lorsqu’elle était CEO de Bime.

Elle n’a ainsi aucune volonté de quitter la société puisque le rachat vient lui permettre d’amener Bime dans une nouvelle dimension (avec le passage d’une équipe de 50 à une boîte de 1600, et la perspective d’atteindre les 80.000+ clients de Zendesk).

Là où elle va complètement dans le sens de Baptiste et Edouard, c’est le simple constat que l’entrepreneuriat est maintenant dans leur ADN. Elle ne peut ainsi pas s’empêcher d’être réceptive aux signaux faibles de son industrie et d’identifier les idées et opportunités.

Mais si lancer une nouvelle startup est loin d’être à l’ordre du jour, elle compense en investissant de son temps, et de son argent, au service de l’écosystème entrepreneurial.

Ce fameux « give back » dont nous entendons si souvent parler, ce besoin de redonner à l’écosystème l’aide que l’on a pu recevoir par le passé.

Il n’y avait pas d’écosystème quand on s’est lancé

EDOUARD PETIT

Evolution de l’ écosystème

Bime, Bunkr et Infinit se sont respectivement lancées en 2009, 2011 et 2013. Mais il a beau ne s’être passé que de 3 à 6 ans entre création et acquisition, l’écosystème a tout simplement été transfiguré dans cette courte période.

« Comment as-tu vu évoluer l’écosystème entre le moment où tu t’es lancé et maintenant ? »

Edouard Petit sourit :

« Il n’y avait pas d’écosystème quand on s’est lancé. Du moins pas dans la définition d’un écosystème devant s’autosuffire et vivre en auto-gestion… avec des grands qui achètent des petits, et les petits qui bénéficient des fonds réinjectés ».

« Quand nous nous sommes lancés, me raconte Baptiste Fradin. Le Camping (NDA : aujourd’hui renommé Numa Sprint) était le seul lieu où l’on pouvait rencontrer des entrepreneurs américains qui distillaient cette culture de l’échec rapide, qui inspiraient une ambition globale. Mais Le Camping a aussi été le seul à croire dans notre projet… c’était la structure parfaite pour nous ».

L’autre grande différence semble aussi venir de l’attitude des investisseurs pour les projets « early stage » (en lancement). Baptiste poursuit :

« Aucun fond n’avait dans l’idée d’investir tant qu’il n’y avait pas de produit lancé avec un minimum de metrics… ou d’investir dans des produits grand public ».

De ce côté là, nos entrepreneurs semblent s’accorder sur le fait que l’écosystème est beaucoup plus intelligent et mature, avec de nombreux acteurs qui se positionnent plus tôt sur les projets.

Mais si l’évolution de l’écosystème est évidemment en lien avec la disponibilité des financements, un autre critère semble être également déterminant.

Pour l’ancien CMO de Bunkr, nous assistons à la fin d’un cycle et au début d’un autre.

« Il y a dix ans, il n’y avait qu’une dizaine de startups qui avaient été jusqu’au bout de leur histoire. »

Et dans ce schéma, aussi bien Bunkr, Infinit que Bime, faisaient partie d’une deuxième vague qui va injecter une monnaie bien plus enrichissante que l’euro : l’expérience.

« Que la startup soit revendue ou qu’elle soit morte, me dit Baptiste. Cela va mettre à disposition dans l’écosystème des personnes qui ont un vécu très riche et qui vont pouvoir rejoindre des boîtes en gestation ou qui viennent de se lancer. C’est très bénéfique. »

Pour Edouard, il y a « une rétribution permanente de l’écosystème à l’écosystème, qui fait que les choses vont plus vite… il y a 5 ans, il n’y avait pas de product manager qui avait géré une croissance de 0 à 10 millions d’utilisateurs. Tu prenais un risque à chaque fois que tu allais engager quelqu’un. Maintenant tu as moins de risques parce que l’écosystème a acquis cette expérience… cette histoire ».

Aussi bête que cela puisse paraître, tout ce qu’il manquait à l’écosystème startup était un peu de temps.

La France a ainsi toujours été mise en comparaison directe avec les Etats-Unis… mais la Silicon Valley accueille déjà sa 5ème ou 6ème vague d’entrepreneurs qui vendent et remontent des boîtes.

« Ce n’est d’ailleurs pas plus facile aux US, commente Edouard Petit. C’est juste l’écosystème qui est plus mature. Tu avances plus rapidement… et tu meurs également plus rapidement ».

Baptiste renchérit : « le cercle vertueux commence vraiment à tourner en France. Les cinq prochaines années vont être très intéressantes à vivre. »

Edition Ø

Au sommaire :

Terra Incognita Magazine n°Ø : couverture & édito

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Terra Incognita Magazine, un média expérientiel ?

Who’s on the cover, (dis)cover Paul Lê

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