ENVIRONNEMENT

« Notre sortie mondiale des énergies fossiles doit se faire d’ici 2050 »

 

par Valentin Pringuay

Le sujet des problématiques énergétiques semble avoir fait couler autant d’encre que de pétrole sur les cinq dernières décennies (et ce n’est pas rien au regard des 179.000 litres de pétroles consommés à chaque seconde) et il ne semble pas indispensable d’en rappeler l’urgence.

« Notre sortie mondiale des énergies fossiles doit se faire d’ici 2050 », résume Célia Gautier, experte climat et énergie à la FNH.

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Levier 1 : Développer les énergies renouvelables

« Le développement des énergies renouvelables, s’exclame Célia. Sujet vaste et clairement essentiel à la fois pour remplacer les énergies fossiles et pour montrer aux citoyens et citoyennes que la transition énergétique, c’est un projet qui peut leur apporter beaucoup, ainsi qu’aux territoires. »

Elle présente alors ce qu’elle appelle la bonne nouvelle de la transition : le fait d’avoir à disposition des énergies qui sont peu chères, inépuisables, locales, qui ne sont pas corrélées à des enjeux internationaux et géopolitiques et dont on maîtrise aujourd’hui la plupart des techniques.

« Souvent on dit qu’on ne va pas y arriver, mais la réalité, c’est qu’aujourd’hui on maîtrise les technologies renouvelables, rentables dans la plupart des cas, qui viennent concurrencer directement les énergies conventionnelles (pétrole, gaz, charbon et nucléaire). Et si on enlevait les subventions dédiées à ces énergies, les énergies renouvelable seraient déjà plus concurrentielles. »

Mais Célia nous explique aussi qu’on l’on ne pourra pas produire autant d’énergie renouvelables que ce que l’on consomme d’énergie aujourd’hui – c’est la douche froide. Est-ce que cela signifie que ces énergies ne sont pas la solution attendue ? Pas pour la jeune femme, qui assène : « La priorité pour pouvoir faire cette transition, c’est d’économiser de l’énergie et donc de diviser notre consommation par deux. »

Célia ne milite pourtant pas pour des soirées lecture à la bougie pour remplacer Netflix. Notre consommation énergétique est extrêmement inefficace : nous avons l’habitude d’une abondance énergétique, d’un gaspillage permanent. Il est impératif que la transition s’accompagne d’une recherche d’une meilleure efficacité énergétique et ainsi d’une baisse de la consommation.

Célia rappelle alors la confusion qu’il y a en France où l’on a tendance à confondre électricité et énergie, alors que cette dernière englobe aussi la consommation en gaz, en pétrole de nos voitures, etc.

Ainsi, l’électricité en France est à 71% nucléaire… mais le nucléaire ne représente que 25% de la consommation d’énergie globale du pays.

Et si les besoins en énergie pourront difficilement être épongés par les énergies renouvelables, la FNH et l’ADEME (l’Agence De l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie) pensent qu’il est possible d’imaginer un scénario où 100% de nos besoins en électricité sont couverts par le renouvelable. 

« On a de la chance de vivre en France où on a du vent, du soleil, on a des côtes pour les énergies marines et éoliennes, on a de l’hydraulique, de la géothermie. On a plein de choses, tous les pays n’ont pas la chance d’avoir toutes ces ressources sur leur territoire. Et en plus de cela on vit en Europe : quand il fait très beau dans le sud de l’Europe, il fait venteux dans le nord – tout cela peut se compléter. Les pays sont connectés les uns aux autres par des câbles, qu’on appellent les interconnections et qui permettent de transmettre l’électricité entre les pays et d’équilibrer les réseaux électriques. »

La Fondation Nicolas Hulot pour la Nature et l’Homme appelle ainsi l’État à fixer d’ambitieux objectifs en ce qui concerne les énergies renouvelables et de faire décroître progressivement la place des autres énergies.

Parce que Célia Gautier sent déjà venir la mauvaise stratégie vers laquelle se dirige le gouvernement français : 

« Ils ne veulent pas toucher au nucléaire et on va se retrouver en surcapacité, avec trop de production d’électricité. »

Le réflexe croissance et profit est encore à l’oeuvre puisqu’il serait prévu dans ce cas de vendre massivement notre surplus d’électricité à nos voisins, s’il trouve preneur. Cela signifie que l’on n’évacuerait toujours pas les risques associés au nucléaire ainsi qu’à ses déchets radioactifs qui vont nous hanter pour les prochains siècles. 

Il faudrait ensuite mettre en place des lignes très hautes tensions dans le ciel pour acheminer l’électricité, une installation dont les impacts sur la biodiversité sont assez conséquents. 

« Pour nous, la sobriété doit prédominer, résume-t-elle. Il faut dimensionner notre production en fonction de notre consommation. »

Et si le problème semble exclusivement dépendre de stratégies nationale et internationale qui peuvent nous dépasser, cette transition énergétique pourrait être le moyen de redonner le pouvoir de participation aux citoyens. 

En effet, de plus en plus de collectivités en France financent et investissent dans des projets d’énergie renouvelable, parfois directement avec les citoyens. 

Ils reçoivent ensuite les dividendes de ces projets qui leur permettent de rénover des écoles ou de créer de l’infrastructure locale.

« Pour nous, ça, c’est un levier hyper intéressant parce que c’est la première fois en France que l’on peut rapprocher la production d’énergie des citoyens et leur montrer d’où vient leur énergie, de créer des emplois locaux, des ressources financières locales », s’exclame Célia Gautier.

En Allemagne, la majorité des projets d’énergies renouvelables sont ainsi détenus par des particuliers. Ce sont des agriculteurs, des collectivités territoriales et des citoyens qui se sont réunis dans un esprit de coopérative pour créer leur énergie. 

Ces projets participatifs ont aussi l’avantage d’améliorer l’acceptabilité de ces projets puisque les citoyens sont directement impliqués.

 

Levier 2 : Développer l’efficacité énergétique

Nous l’avons déjà mentionné, la transition ne pourra pas se faire sans une meilleure efficacité énergétique.

La Fondation s’intéresse ainsi tout particulièrement au secteur du bâtiment qui représente 40% des dépenses d’énergie en France. Et dans ce secteur, les 3/5 des dépenses vont au chauffage.

Célia souhaite que l’on s’attaque aux 7,4 millions de logements en France qui sont des passoires énergétiques (étiquetés F ou G). Cela représente un tiers du parc immobilier français, impossibles à chauffer correctement à moins de dépenser des sommes faramineuses. 

Il faut donc non seulement créer de nouveaux logements plus performants, mais il faut impérativement rénover l’ensemble du parc immobilier. Un chantier qui stagne particulièrement dans les copropriétés. Une situation doublement problématique qui cause d’importantes émissions de gaz à effet de serre en même temps que beaucoup de précarité : « parce que les gens ont des logements qui sont très mal isolés et ont ainsi du mal à payer leurs factures énergétiques. Ils doivent donc faire le choix entre se chauffer correctement et manger, se déplacer ou partir en vacances. »

Des circonstances qui peinent à s’améliorer puisque ces personnes en précarité n’ont tout simplement pas les moyens de faire des travaux pour améliorer leur logement.

Il existe bien un crédit d’impôt pour la transition énergétique qui couvre parfois 80 à 100% du coût des travaux, mais ils n’y font pas appel pour la simple et bonne raison qu’il leur faudrait avancer l’argent. Ce sont donc les ménages plus aisés qui utilisent cette aide.

« Il faudrait concentrer ces aides sur les populations les plus modestes et passer ce crédit en prime avant travaux de manière à ne pas avoir à avancer l’argent. »

Célia Gautier appelle aussi à simplifier les aides en proposant un accompagnement sur les territoires pour aider à faire un audit énergétique, guider dans le choix d’un artisan, et faire vérifier l’efficacité des travaux à la fin, etc.

Encore une fois, les politiques publiques seront instrumentales dans cette transition. 

« Pour nous il faudrait une obligation de rénovation qui soit progressiste : c’est-à-dire qu’il soit impossible de mettre sur le marché locatif, dès l’année prochaine, tout logement étiqueté F ou G. Et en parallèle on pousse les aides pour que le propriétaire de ce logement puisse le rénover. De la même manière, il pourrait être impossible de mettre sur le marché de la vente de biens tout logement étiqueté F ou G à partir de 2022, à moins qu’une partie de la valeur de la vente soit consignée pour obliger à faire des travaux. »

 

Levier 3 : Changer son fournisseur d’électricité

L’individu a une nouvelle fois son rôle à jouer grâce au lobbying citoyen, mais aussi en votant avec son argent. En effet, il peut choisir de changer de fournisseur d’électricité pour opter pour une énergie verte.

Greenpeace a fait un classement des fournisseurs d’énergies vertes pour aider les citoyens à s’y retrouver. Dans liste, nous citerons un acteur comme Enercoop, l’un des rares fournisseurs d’électricité à s’approvisionner en quasi-totalité auprès de producteurs d’électricité renouvelable (97% de son électricité en 2017). Cela lui vaut la première place sur le podium du site web Moralscore (spécialisé dans le classement des entreprises d’après leurs valeurs morales).

Bien sûr, il n’y a qu’un seul réseau électrique et aucun fournisseur ne pourra vous garantir que l’énergie qui arrive à vos prises est effectivement renouvelable, mais c’est un peu comme avec notre consommation de viande… il s’agit d’envoyer un signal de plus en plus fort : nous voulons des alternatives renouvelables. Et c’est par le nombre que nous arriverons à porter ce message aux oreilles des forces publiques et des entreprises.

 

Conclusion

Vous aurez beau trier vos déchets, réduire votre consommation de viande, et choisir un fournisseur d’énergie verte, cela ne sera pas suffisant pour avoir un impact pour la planète. De la même manière, il y a un épuisement face aux marches et aux pétitions (c’est ce qui ressort d’un sondage réalisé par L’Affaire du Siècle suite à leur pétition à 2 millions de signatures), il y a une volonté de concret !

Le changement ne pourra se faire qu’au niveau des politiques publiques et des entreprises. Mais comme l’a très bien exprimé Caroline Faraldo, la loi n’est plus précurseur depuis bien longtemps : elle se fait en réaction.

La voie semble ainsi longue et éprouvante, mais à force de faire pression sur nos élus locaux, nationaux, internationaux avec notre voix et notre porte-monnaie, nous allons réussir à nous faire entendre.

Si ce n’est pas le rôle de la loi, alors nous avons la possibilité de prendre le relai : à nous de devenir précurseurs.

Dans ce numéro

#6

Nicolas Hulot

“L’État n’a pas le temps de faire émerger un nouveau modèle de société. »

Corinne Lepage

La Justice : une arme décisive au service du climat

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