Article : Laure Coromines
« Vous avez souvent entendu dire qu’il faut savoir prendre de la hauteur, expliquait Benoît Raphaël lors de l’édition 2017 de L’Échappée Volée, mais je suis pour ma part persuadé qu’il faut savoir prendre de la largeur. » Dans notre monde très verticalisé, où « le pouvoir en haut décide pour le peuple en bas », où les médias traditionnels s’adressent de façon unilatérale à une audience passive, Benoît, expert en innovation digitale, entrepreneur et journaliste, prêche pour plus d’horizontalité et de partage du pouvoir. Dès 2007, il s’attache à développer des médias participatifs pour permettre à tous les citoyens de prendre la parole.
Si la fragmentation de l’information qui en résulte est source de richesse, Benoît reconnaît qu’elle crée aussi un « gros bordel ». Entre fake news et bulles de filtre, qui isolent de toutes idées nouvelles via un phénomène d’hyper personnalisation dicté par les algorithmes de Facebook et Google, le flux d’information continu est de plus en plus ardu à trier. Pour une « fake news detox », Benoit a misé sur l’IA. Il a créé Flint, un robot intelligent qui apprend à vous connaître et vous surprendre grâce à une newsletter qualitative personnalisée. Comment est-ce possible? À la différence des algorithmes, une IA ne se programme pas. Elle s’éduque. « Et en éduquant son robot, on reprend le contrôle sur son information, et on ne laisse plus les médias traditionnels ou Google décider à notre place », souligne Benoît.
Il commence par travailler dans une petite radio locale du Vercors. Déjà, son intuition lui souffle de faire participer les auditeurs, en laissant par exemple des passionnés de hockey commenter les matchs. Ils vocifèrent, s’insultent, mais la formule plaît et la magie opère. Benoît codirige ensuite Vaucluse Matin, dont il relance les ventes en appliquant le même principe, et fonde ensuite quelcandidat.com, qui devient viral lors des élections présidentielles de 2007. Contacté par Bruno Patino, il lance Le Post.fr, « un média participatif dans le temple du journalisme », avant d’accompagner la création du Plus de L’Obs et du Lab d’Europe 1. Il prend ensuite la direction numérique de Nice Matin, racheté par ses salariés. Benoît s’interroge : « c’est quoi aujourd’hui un média local ? » Sa réponse : un média utile à la population, qui flirte avec le journalisme de solution. Convaincu que se contenter de dénoncer les difficultés dégrade l’empathie, Benoît préfère mettre l’accent sur les actions à entreprendre pour changer le monde. En deux ans, il multiplie les enquêtes de terrain avec les journalistes de la rédaction, resserre les liens avec les lecteurs, et triple le nombre d’abonnés. « Une belle aventure », conclut-il avec un sourire.
Si initialement Benoît a fait le choix de l’IA, ce n’est pas par philosophie, mais pour gagner du temps et de l’argent : « la façon dont on a innové vient du fait que nous ne sommes que 3 dans la boîte. L’idée de base était de mélanger intelligence humaine et puissance de la tech. » C’est en papotant avec son CTO, 6 mois avant le lancement de son produit, que Benoît réalise qu’ils ont bel et bien créé une IA.
À l’origine du projet, il y a le désir de faire quelque chose d’utile couplé à l’envie de résoudre un problème personnel : « j’avais un vrai souci de méfiance par rapport à l’information que je recevais, notamment au niveau des réseaux sociaux. » Benoît met le doigt sur une étonnante contradiction : « alors que 74% des Français déclarent se méfier des réseaux sociaux, ils y consomment une part croissante de leur information ».
En février 2017, il lance une newsletter gratuite : les inscrits peuvent choisir entre entraîner Flint, leur propre robot, suivre Yolo, passionné par l’énergie et le climat et déjà éduqué par une spécialiste de l’environnement, ou encore Gordon, qui s’intéresse à la finance et à la tech, et qui a été coaché par le Chief Digital Evangelist du groupe BPCE.
La plateforme, qui compte plus de 8 500 abonnés, propose une interface entre humains et IA pour pimper la curation de contenu. « Je pense que la viralité et la sémantique ne permettent pas de qualifier un contenu intéressant, car on ne sait pas toujours ce qu’on veut, et c’est difficile de le mettre en mot », précise l’entrepreneur. Pour contourner cet obstacle, Benoît fait appel à une IA plus fine, qui, au risque « d’assécher le contenu », ne se base pas sur des critères, mais sur l’absorption de données. Plus les interactions avec le robot sont assidues, plus l’expérience est réussie. L’entraînement du robot oblige les abonnés à se rééduquer et se poser la question de ce qui les intéresse vraiment : ils redeviennent actifs dans la consommation d’information. L’entrepreneur détecte vite l’importance du facteur psychologique : « les gens comprennent que le produit qu’ils reçoivent évolue sans trop savoir comment… Il y a un côté un peu organique, un peu magique… Ils se sentent responsables de leur robot. »
« Il y a un an, on n’avait pas de modèle économique. On s’est dit au début qu’on allait développer un outil pour nous, voir ensuite si on ne pouvait plus s’en passer, et finalement, si c’était le cas, essayer d’en faire quelque chose… »
Au fil de leur développement, Benoît et son équipe vont toquer à la porte du service transformation digitale de grandes entreprises. Rapidement, un besoin s’exprime : vivre une expérience d’éleveur de robots. Aujourd’hui, c’est cette expérience que l’entrepreneur vend, entre 10 0000 et 25 000 euros. S’il ne s’agit pas du business model final, il permet toutefois à Benoît d’apprendre, et financièrement, de tenir le coup pour continuer à affiner son IA.
La clé : « y mettre tout ce qu’on peut, son talent, sa passion », faire confiance à ses convictions, mais surtout… se concentrer sur les gens, sur la relation avec sa communauté. « Créer un événement le soir de la Saint-Valentin et d’un match PSG-Real, c’est un bon moyen de faire du tri et de s’assurer que tu ne capteras que des gens hyper motivés… », s’amuse t-il.
Quand considérera-t-il Flint comme un succès? Quand le petit robot apprendra aux enfants à reprendre le contrôle de l’info et à s’émanciper. Mais la mort récente de son associé et ami Jean Véronis a remis beaucoup de choses en perspective : « cela m’a fait prendre conscience de ce qui était important dans la vie. C’est quoi le succès? J’en sais rien en fait… » Ce qu’il peut dire, c’est que ce qui compte, c’est de créer quelque chose qui rend service. « Cette valeur-là, je l’ai mise au cœur de ma boite, et c’est ça qui me fait me lever le matin. »
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