Photographies : Jérémie Wach-Chastel
Royaume-Uni, début des années 80. Margaret Thatcher, Premier Ministre conservatrice, forge le slogan politique « There is no alternative », signifiant que toutes autres voies que celles du marché, de la mondialisation et du capitalisme sont vouées à l’échec. Au même moment, quelque part en France, Denis Clerc, professeur d’économie-gestion et militant au PSU et CFDT, se cabre face à cette doctrine ultra-libérale qui condamne tout autre forme de pensée. Il crée alors le magazine Alter Eco, pour montrer qu’en matière de politique économique et sociale, il y a toujours une alternative, n’en déplaise à la Dame de fer. Avec son approche très pédagogique de l’économie, Denis souhaite jouer un rôle dans l’éducation des citoyens pour leur permettre de se réapproprier les débats. Aujourd’hui vendu à plus de 90 000 exemplaires par mois, Alter Eco était à l’époque un simple bimestriel de 16 pages en noir et blanc, concocté dans un garage, conçu entièrement par des bénévoles et imprimé sur du papier recyclé par un ami militant de Denis. Peu à peu, le journal se développe et se professionnalise. En 1984, Denis troque le statut associatif pour celui de Scop. Mais la ligne édito, elle, n’a pas changé : des éclairages néo-keynésiens pour lutter contre la pensée unique à tendance libérale. Aujourd’hui, c’est Camille Dorival qui dirige ce média engagé, le seul en France à connaître un tel succès sous la forme atypique de la Scop….
En 2012, Camille se voit proposer le poste de Directrice Générale adjointe. Cette année est charnière pour le journal : alors que le magazine n’avait connu jusqu’alors que des ventes en croissance, il subit une brusque baisse de la diffusion et des recettes publicitaires… A son retour de congé maternité (« des moments où l’on se pose beaucoup de questions… »), et après quelques hésitations, Camille accepte de relever le défi en dépit de la conjoncture. La jeune femme éprouve alors une certaine lassitude par rapport à son métier originel : « En tant que journaliste spécialisée, au bout de 10 ans, on finit par traiter toujours les mêmes sujets. J’avais besoin de passer à autre chose tout en gardant un pied dans cette rédaction. Mon travail quotidien a beaucoup changé, je suis passée de la rédaction d’articles au contrôle de gestion…. Il y a des gens qui aiment bien ça, et heureusement, c’est mon cas ! »
Deux ans plus tard, Camille est PDG d’Alternatives Economiques.
Un média hybride
Quand on lui demande si Alter Eco se considère comme un média engagé, Camille répond : « Notre coeur de métier, c’est le décryptage de l’actualité. Cela n’empêche pas d’essayer de proposer des solutions. On s’efforce de relayer les bonnes pratiques et de les mettre en avant, mais ce n’est pas l’essentiel de notre contenu. Nos rédacteurs [nldr : le magazine en compte plus d’une trentaine] sont à mi-chemin entre journalistes et économistes. »
Cet ADN métissé, on le retrouve jusque dans la structure du journal. Pour pouvoir prétendre au statut de Scop, les salariés doivent détenir au moins 51% du capital et 66% des voix en assemblée. Ici, on ne parle pas d’actionnaires, mais d’associés. Dans une entreprise classique, chaque actionnaire détient un nombre de voix proportionnel au montant de parts qu’il possède ; au sein d’une scop, les associés ont tous une voix unique, en dépit du montant de leur capital. Ce statut n’a pas été adopté par hasard, mais par souci de cohérence avec la ligne édito défendue. Le fondateur entendait coller à l’idée qu’il fallait rendre la démocratie plus transparente et participative. Plus qu’un statut juridique, la Scop est le gage de crédibilité de Alter Eco, sa garantie que le média n’est pas dépendant des puissances financières. Seul 6% des recettes d’Alter Eco proviennent de la pub, la principale source de revenu du média étant les abonnés, qui sont plus de 65 000.
Sous la forme d’une association, les lecteurs sont eux aussi inclus dans la Scop : ils détiennent 5% du capital et s’impliquent dans la vie du média en organisant des débats et en faisant connaître les publications.
Depuis 2014, Alter Eco a attaqué de front le virage du numérique grâce à la création d’AlterEcoPlus, cofinancé par le fond pour l’innovation numérique dans la presse. En 2017, le média réunit en un seul site l’ensemble de ses contenus avec paywall au compteur. Objectifs de ce recentrage : analyser l’actu avec plus de réactivité qu’avec le mensuel, favoriser les partages sur les réseaux sociaux et conquérir de nouveaux abonnés.
En effet, fidéliser ses abonnés reste pour Camille le nerf de la guerre, « et cela devient de plus en plus complexe. » Deux piliers de lecteurs restent néanmoins fidèles au poste : un public citoyen, souvent de gauche, qui veut comprendre l’économie, et des lycéens et étudiants, qui utilisent le média comme support pédagogique.
Afin de trouver de nouveaux relais de chiffre d’affaire, la PDG a aussi misé sur la diversification des activités, comme avec l’organisation du forum Les Journées de l’Économie Autrement, qui a lieu tous les ans à Dijon en novembre.
De par son positionnement politique très spécifique, Camille a du mal à identifier des concurrents directs dans la presse éco, souvent très orientée business. « Nous n’avons pas de tête à abattre, s’amuse t-elle, nos lecteurs n’achètent pas Capital, mais plutôt Le Monde Diplomatique, Philosophie Magazine, ou encore Sciences Humaines, dont Alter Eco est d’ailleurs actionnaire. » Néanmoins, tout n’est pas rose pour Camille, qui reste réaliste face au nombreux challenges que doit relever la presse écrite aujourd’hui. « Ce qui est difficile avec la presse, c’est qu’il y a plein d’inconnues que l’on ne maîtrise pas. Par exemple, si Presstalis venait à déposer le bilan, on perdrait un million et demi de chiffre d’affaires… », déplore Camille.
Elle évacue toutefois le constat d’un haussement d’épaule. Cela ne l’empêche pas de piloter vaillamment le petit journal devenu grand.
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