CINÉMA
Jean-Pierre Lavoignat
Studio & Première : à l’origine d’une presse cinéma
Interview et article : Jean-Samuel Kriegk
TERRA INCOGNITA #02 ● ENTREPRENEURS DES MÉDIA
Peu d’hommes de presse peuvent se targuer d’avoir non seulement inspiré leurs concurrents français mais d’avoir aussi créé des vocations dans le monde entier. Lorsque Marc Esposito et Jean-Pierre Frambois lancent Première en 1976, c’est un nouveau type de magazine cinéma qui émerge et fera des émules dans toute l’Europe. En France, un seul titre sera capable de rivaliser dix ans plus tard : Studio Magazine, pensé et lancé par la même équipe sous l’impulsion de Marc Esposito et Jean-Pierre Lavoignat, alors rédacteur en chef de Première. Leur idée est de jouer la complémentarité en visant un public différent, mais elle provoque un schisme inattendu avec pour conséquence le départ de l’équipe historique de Première et un duo de magazines concurrents dont les chiffres de vente sont à l’époque stratosphériques. Leur histoire sera bientôt au cœur d’un livre écrit par Marc Esposito et Jean-Pierre Lavoignat, que ce dernier a accepté de nous raconter en avant-première. C’est une aventure entrepreneuriale qui est aussi celle d’une bande de potes, qui pourrait évoquer aux cinéphiles les œuvres de Claude Sautet ou Yves Robert, d’autant qu’elle raconte en filigrane quarante ans de cinéma français.
Jean-Pierre Lavoignat (à droite), en pleine interview de Steven Spielberg (chemise fruitée) avec l’aide du journaliste Jean-Paul Chaillet (au centre).
L’histoire n’était pourtant pas écrite pour le jeune Jean-Pierre Lavoignat, qui – s’il a toujours voulu être journaliste – n’avait pas forcément pensé au cinéma. Il apprend le métier très jeune, à la fin des années 1970 : « Je suis alors étudiant en lettres à Avignon et je cherche un job d’été. Paradoxalement les journalistes locaux détestaient le Festival, synonyme d’invasion de Parisiens. C’était le moment où ils prenaient leurs vacances, et les rédactions embauchaient de jeunes gens très contents d’aller voir des pièces de théâtre. Au Provençal, on m’a juste demandé si je savais écrire. J’ai menti et dit oui ! Mais je n’avais jamais écrit autre chose qu’un article dans le journal du lycée. Ils m’ont envoyé voir une pièce et un film, j’ai rendu mes papiers à l’heure et on m’a proposé de rester. Ça m’a beaucoup plu, alors j’ai passé le concours du Centre de Formation des Journalistes, une école semi-professionnelle. » L’expérience est surtout l’occasion de rencontrer celui qui sera son complice de toujours et le futur créateur de Première : « J’ai rencontré Marc Esposito à Avignon. Il faisait son stage d’été au Provençal comme moi et on est devenu amis en trois jours. On était tous les deux fans de Léo Ferré, qu’on avait chacun demandé à interviewer. Le rédacteur en chef n’a pas tranché, on a fait l’interview ensemble, et ça s’est tellement bien passé qu’on est resté copains. »
Les deux restent très proches lorsque leurs parcours respectifs les amènent à s’installer à Paris, où Marc Esposito rejoint la rédaction de Onze, un énorme succès de la presse de l’époque, consacré au football. Le directeur de la rédaction de Onze est aussi un fou de cinéma qui se propose de défiscaliser les bénéfices dans la création d’un nouveau magazine de cinéma. Première se monte en trois mois seulement. L’offre est rare à l’époque en termes de presse cinéma : deux titres très exigeants se partagent un petit nombre de lecteurs (les Cahiers du cinéma – en pleine période maoïste – et Positif), tandis que l’éphémère revue Écran est un titre people avant l’heure, plutôt consacré aux starlettes. Deux parutions destinées aux cinémas de genre : Mad Movies et L’Ecran Fantastique, qui ne sont encore que des fanzines à tirages très limités et introuvables en kiosques. « Il n’y avait aucun journal grand public sur le cinéma. Il n’y en avait d’ailleurs quasiment nulle part dans le monde. Première a créé un type de presse qui n’existait pas avant : une presse cinéma grand public, où les stars sont forcément mises en avant mais avec aussi des interviews de metteurs en scène. Cela a répondu à une attente évidente et a coïncidé avec l’arrivée d’une nouvelle génération de comédiens et de cinéastes : Depardieu, Huppert, Adjani, Miou-Miou, qui avaient le même âge que nous. Chez les cinéastes émergeaient Bertrand Blier, Alain Corneau, Claude Sautet, Claude Miller ou Bertrand Tavernier. C’était des personnalités aimées aussi bien par le grand public que par les critiques, ce qui a vraiment aidé au succès de Première. »
Une sélection de couverture du magazine Première représentant Depardieu, Adjani et -oui- toujours la belle chemise fruitée de Steven Spielberg.
En 1976, lors de la création du magazine, Jean-Pierre Lavoignat y contribue comme pigiste. Mais il s’éloigne un an et demi pour réaliser un service civil en coopération comme documentaliste à l’Université de Montréal, afin d’échapper au service militaire. La période est mise à profit pour la suite : il y fréquente assidûment les cinémas locaux. Lorsqu’il rentre à Paris, où il rejoint l’AFP, il partage une colocation avec Marc Esposito. Première ne connaît pas encore le succès : « La revue est accueillie pendant un an et demi avec scepticisme ! » Onze et Première sont revendus à Bayard Presse, dont la proposition d’évolution éditoriale contestée provoque en 1979 le départ de Marc Esposito. C’est à la demande de la rédaction qu’il revient un an plus tard comme rédacteur en chef, après le rachat du titre par le groupe Hachette. L’équipe est alors renforcée, le titre structuré : c’est le début du succès. Les couvertures sur les décès de Romy Schneider et de Patrick Dewaere, à deux mois d’intervalle, suscitent des records de vente pour le journal, dont la diffusion ne va cesser de progresser.
Jean-Pierre Lavoignat hésite alors sur la suite à donner à sa carrière. « Quand nous étions colocataires, Marc Esposito m’a tanné tous les jours pour que je le rejoigne à Première où il avait besoin d’un rédacteur en chef. Moi, je lui répondais que je ne voulais pas écrire sur le cinéma toute ma vie ! Au bout d’un an et demi, il m’a demandé de me décider. Si je refusais, il prendrait quelqu’un d’autre. » Jean-Pierre Lavoignat accepte et devient rédacteur en chef adjoint en 1981.
Première est alors sous-titré Le Magazine Couleur du Cinéma. La couleur est alors un avantage concurrentiel décisif pour parler d’image, car la totalité des titres de presse qui évoquent le cinéma, généralistes ou spécialisés, sont imprimés en noir et blanc. Première n’hésite pas à faire des dossiers de plusieurs pages de photos couleurs sur des acteurs, qui acceptent à l’époque de passer des heures, voire des jours au côté des journalistes pour des interviews et des sessions photo. « Les acteurs, on les retrouvait parfois trois ou quatre fois dans l’année. Cela créait des liens de proximité et de camaraderie, d’autant qu’ils étaient beaucoup plus disponibles qu’aujourd’hui. »
Première devient alors l’histoire d’une bande de potes à laquelle se greffent certaines stars du cinéma français. « Depardieu était très ami avec Marc. Dans les années 1983-84, quand il venait au Festival de Cannes, il préférait venir habiter dans notre villa, qui ressemblait vraiment à une auberge de jeunesse où l’on dormait à trois par chambre, plutôt que d’aller au Carlton. Il restait parfois trois ou quatre jours, jusqu’à une édition, 1986 je crois, où il avait trois films en sélection. Cette année-là, il est venu habiter toute la durée du festival chez nous, avec sa femme. Il assistait aux réunions sur la maquette, au choix des photos et à nos engueulades. Il préparait alors Lily Passion avec Barbara qui est aussi venue plusieurs jours à la villa et nous faisait des omelettes. On était émerveillés de les avoir tous les deux à nos côtés. » La création du numéro annuel pendant le Festival de Cannes, où toute l’équipe de Première se délocalisait, est une aventure inimaginable pour la génération des journalistes nés avec internet : « C’est à Cannes que je me suis rendu compte de l’évolution technologique : au début, on tapait nos papiers à la machine à écrire. On les apportait à la gare le soir pour les envoyer par le train de Lille à l’imprimerie. Deux jours après, ils revenaient sous forme de « placards », des bandeaux qu’on collait sur les maquettes. On renvoyait ces maquettes par le train du soir, avec la hantise de rater l’horaire de départ. Plus tard, on a vu arriver le premier fax, qui était une révolution : on pouvait envoyer les papiers quand on voulait ! Le premier fax était tout rouge et avait la taille d’une machine à laver. Quand les ordinateurs et internet sont arrivés, c’était presque un peu dommage : les maquettistes restaient à Paris et ils faisaient un peu la gueule. »
Quand Studio fête ses 10 ans en 1997, le nombre de célébrités au m2 égale celui du Festival de Cannes.
Les années 1980 sont une époque bénie pour le magazine : les ventes ne cessent de progresser. Jean-Pierre Lavoignat devient rédacteur en chef en 1982. En 1985, chaque numéro se vend plus que le mois précédent, quelle que soit la couverture. Première s’arrache alors chaque mois à plus de 400 000 exemplaires et se voit copié partout. « Première a ouvert la voie à plein de journaux de cinéma dans le monde. Son succès a engendré la création d’une copie conforme en Italie : Ciak. Sur le même modèle, il y a eu Kinema en Allemagne, Empire en Angleterre, etc. » Aucun équivalent n’existant aux États-Unis, le nouvel actionnaire, Hachette Filipacchi Médias, décide de lancer une édition américaine de Première, à laquelle s’attellent Esposito et Lavoignat.
Marc Esposito développe aussi au sein du groupe et avec la rédaction de Première une nouvelle revue : Hebdo Cinéma, qui est un repositionnement de L’Echo des Savanes, transformé en magazine spécialisé. Le titre est rapidement arrêté après quelques numéros, du jour au lendemain. Mais le ver est dans le fruit : pourquoi s’arrêter à Première ? Marc Esposito réfléchit déjà à la création d’un nouveau magazine de cinéma. « Marc est un entrepreneur. Une fois que Première roulait, ça ne le satisfaisait plus et il avait envie d’autre chose. C’était devenu presque institutionnel et on se faisait la réflexion que les lecteurs de Première avaient vieilli comme nous. Ils avaient plus de 30 ans, or le mode de consommation du cinéma change dès qu’on a des enfants. On s’est dit qu’on allait perdre ces lecteurs et qu’il fallait créer un journal pour la tranche d’âge supérieure qui serait moins lié à l’actualité, plus tourné vers la mythologie du cinéma au sens large. Un magazine plus élégant, qui serait un bel objet, Première gardant le côté news. »
Studio Magazine est donc pensé comme une véritable alternative à Première, avec l’idée que la même équipe gérant les deux à la fois, les magazines ne se feraient jamais concurrence. Esposito et Lavoignat partent vendre l’idée à Daniel Filipacchi. Marc Esposito propose un montage qui garantit au groupe Hachette Filipacchi Media de rester gagnant : Esposito recherche les financements hors du groupe tout en laissant à Hachette l’exclusivité des activités de prestation de service (la fabrication, le marketing et la publicité) et un intéressement aux bénéfices. Daniel Filipacchi accepte le principe.
C’est au même moment qu’est lancé le Première américain. Le contrat est signé à New York le 11 novembre 1986 avec Rupert Murdoch (l’actuel patron de Fox News). Le même jour, Marc Esposito annonce à Daniel Filipacchi que les financements sont trouvés auprès de deux actionnaires principaux : Canal+, jeune chaîne télévisée lancée deux ans plus tôt, et UGC. La réaction de l’éditeur est froide et les conséquences ne se font pas attendre. Marc Esposito et Jean-Pierre Lavoignat sont convoqués début décembre dans le bureau de Daniel Filipacchi. « C’était comme une scène du Parrain. Il portait des Ray-Ban fumées, on ne voyait pas son regard. Il avait un grand bureau noir très impressionnant et des œuvres d’art contemporain réalistes, dont la statue d’une femme avec un cabas. On avait l’impression d’avoir quelqu’un debout dans notre dos, c’était très désagréable. Daniel Filipacchi nous a dit : “On est des vieux crocodiles. Ce qu’on aime, c’est le pouvoir. On vous a dit oui parce qu’on ne pensait pas que vous trouveriez l’argent. Maintenant que vous l’avez trouvé, on est très embêtés.” » Leur licenciement se fait sans préavis le 8 janvier, de façon très violente : Jean-Pierre Lavoignat découvre de la bouche de la DRH le sens du mot « mise à pied » et dispose de deux heures pour faire ses cartons.
« Il n’y avait aucun journal grand public sur le cinéma. Il n’y en avait d’ailleurs quasiment nulle part dans le monde. Première a créé un type de presse qui n’existait pas avant : une presse cinéma grand public. »
De façon inattendue, les trois-quarts de la rédaction de Première démissionnent par solidarité. Marc et Jean-Pierre promettent de tous les embaucher, sans avoir la moindre idée du coût ni de l’impact sur la trésorerie. Au premier conseil d’administration de Studio Magazine, fin janvier, les membres (dont Pierre Lescure, André Rousselet, Guy Verrecchia & Alain Sussfeld) acceptent pourtant avec une grande élégance de recruter toute l’équipe démissionnaire.
Lorsque Studio Magazine est lancé en 1987, la concurrence devient frontale. La formule est même légèrement changée pour rajouter des critiques de films. Première profite d’un poids énorme auprès de la profession (400 000 à 450 000 numéros sont toujours vendus chaque mois) et sa nouvelle équipe n’hésite pas à mettre des bâtons dans les roues de Studio Magazine, qui profite du réseau construit par l’équipe et de la fidélité des acteurs et des metteurs en scène. « Quand Première disait : “Si Studio vient sur tel tournage, nous on ne vient pas”, les distributeurs hésitaient. Mais en même temps, on avait des liens tellement forts qu’heureusement les trois-quarts des intéressés nous ont soutenus en disant qu’ils ne souhaitaient pas rentrer dans ce chantage. Première a fini par en pâtir en ne parlant pas de films qu’allaient voir leurs lecteurs, mais j’ai passé un an et demi à téléphoner pour convaincre tout le monde. »
Pari réussi : Studio Magazine devient un succès, malgré un prix de vente plus élevé que Première (30 Fr contre 18 Fr), conséquence de choix d’édition luxueux : papier glacé et dos carré. « On s’est trompés en croyant qu’on allait toucher la tranche d’âge supérieure. Effectivement, le lectorat de Studio était un peu plus vieux que celui de Première, mais ils avaient 18-25 ans. Et beaucoup de lecteurs achetaient les deux ! »
UGC et Canal+ demandent rapidement qu’un groupe de presse entre dans l’actionnariat : Edi-Monde intègre le board. « Ils étaient actionnaires mais pas décisionnaires. On était un peu le village gaulois dans Astérix. On s’est retrouvés avec des rapports plus compliqués avec Edi-Monde, mais nos actionnaires initiaux nous ont protégés. Sans eux, on aurait été mangés vingt fois. » Un premier coup dur est porté par la loi Evin en 1990, qui limite fortement les publicités pour l’alcool et le tabac, deux industries qui sont les principaux annonceurs du magazine. Marc Esposito quitte son poste en 1993 pour devenir un réalisateur de films à succès (Le Cœur des hommes, Toute la beauté du monde…) ce qui permet à Jean-Pierre Lavoignat de prendre la tête de Studio. Un autre coup dur survient en 1997, avec la naissance d’un titre concurrent : Ciné Live, vendu moins cher et proposant un CD-ROM rempli de bandes annonces, ce qui plaît beaucoup aux plus jeunes lecteurs. « Ils étaient plutôt concurrents de Première que de nous. Ils ont fait beaucoup plus de couvertures communes avec eux, et étaient très tournés vers le cinéma d’action. Mais il y avait une nouvelle offre sur le marché. » Les ventes de Studio et Première commencent à décliner. Studio Magazine s’inspirera d’ailleurs du CD-ROM de Ciné Live pour offrir plus tard un DVD avec des masterclasses de réalisateurs, des essais de castings, des courts métrages… Pour la première fois, le magazine n’est plus créateur de tendance mais suiveur.
Internet fait également perdre beaucoup de lecteurs aux magazines devenus traditionnels, ce qui donne à Jean-Pierre Lavoignat envie de partir à son tour. « C’est une histoire de cycles. Le type de journal initié par Première à la fin des années 1970 a trouvé son essor dans les années 1980 et est arrivé à bout de souffle. Il aurait fallu qu’un autre journal arrive, avec des idées que je n’avais pas – c’est une des raisons pour lesquelles j’ai quitté Studio. Pour l’instant, personne ne l’a fait, à part So Film, qui reste un journal de niche. »
En 2004, Edi-Monde vend Studio au groupe anglais Emap. « On s’est retrouvés en conflit permanent. Je dois tirer mon chapeau à UGC et Canal+ car ils ont toujours été du côté de la rédaction. Emap en a eu marre car ils étaient financièrement majoritaires, mais pas du tout en termes de décisions. Il suffisait que dans le conseil d’administration, UGC, Canal+ et nous soyons d’accord pour avoir la majorité. Au bout d’un moment, les actionnaires se sont mis d’accord pour vendre à nouveau le journal. » Jean-Pierre Lavoignat essaye de trouver de nouveaux actionnaires : il prend attache avec Claude Perdriel (Le Nouvel Observateur), Jean-Jacques Servan-Schreiber (Psychologies Magazine) mais sans succès. C’est un groupe belge : Roularta, qui rachète Studio Magazine. Dans leurs conditions de rachat, les deux têtes du journal doivent rester. Lavoignat s’engage pour une durée d’un an et demi, mais prend la décision de partir ensuite. « Il y avait de plus en plus de questions auxquelles je n’avais pas de réponses. Pendant des années, on a fait un journal qu’on aimait et qui marchait. Tout à coup, il fallait se poser la question : Quelle couverture va vendre ? Quelles actions de marketing faut-il mener ? On essayait plein de choses mais j’ai fini par me dire que je n’étais plus fait pour ça et que d’autres gens seraient mieux placés que moi pour prendre ces décisions. »
Le constat d’un changement d’époque est consommé, avec aussi le regret d’avoir laissé s’échapper une opportunité de développement qui aurait changé l’histoire du journal. « L’arrivée d’internet a bousculé toutes les cartes. À l’époque de Première, on se battait pour avoir la première photo du film ! Aujourd’hui, le temps qu’on récupère la photo et qu’on imprime le magazine vous avez déjà la bande annonce sur internet, en caricaturant à peine ! À un moment donné, nous avons été dépassés. J’ai un regret : on a été approché par les créateurs du futur Allociné, dont l’objectif initial était de vendre des billets de cinéma et qui cherchaient des contenus à intégrer, labellisés Studio. On est allés très loin dans les discussions, mais au dernier moment nos actionnaires n’ont pas voulu. »
Une sélection de couverture du magazine Studio. Toutes les photos sont issues de la collection personnelle de Jean-Pierre Lavoignat. Merci à lui !
Le départ de Jean-Pierre Lavoignat est effectif en 2006. Il se donne six mois pour réfléchir à la suite et est rapidement rattrapé par les nombreuses propositions de distributeurs de films qui lui offrent des collaborations. Il se lance alors dans mille nouvelles aventures entrepreneuriales : rédaction de dossiers de presse, consulting pour un éditeur de fiction et d’essais sur le cinéma (Sonatine), animation de conférences de presse internationales au Festival de Cannes, programmation d’un cinéma (les Fauvettes), commissariat d’une exposition sur Romy Schneider… tout en trouvant le temps d’écrire quelques livres comme Mesrine – 30 ans de cavale au Cinéma (éditions Sonatine) ou un ouvrage biographique sur et avec Dominique Besnehard. Il est décoré du titre de Chevalier de l’Ordre des Arts et des Lettres en mars 2007.
À force d’être sollicité pour intervenir dans des documentaires, Jean-Pierre Lavoignat se met aussi à en réaliser en binôme avec un ancien collaborateur de Studio, Christophe d’Yvoire, avec qui il crée une société de production. Ils réalisent d’abord un très beau film sur James Gray, puis un autre sur Charlotte Gainsbourg, un troisième sur Jean Dujardin, ainsi qu’une collection de dix films sur les cinéastes des années 1980 pour Orange. Ils préparent actuellement un documentaire sur trois grands réalisateurs mexicains contemporains : Alejandro González Iñárritu, Alfonso Cuarón et Guillermo Del Toro.
La presse cinéma grand public que Jean-Pierre Lavoignat a contribué à imaginer et développer a fortement décliné pour revenir aux chiffres de vente des débuts de Première. Aujourd’hui Studio Magazine (qui a fusionné avec Ciné Live en 2009) est diffusé à 25 000 exemplaires et Première à 80 000. Les deux titres ont été achetés par un même groupe, Hildegarde, qui va faire disparaître le mensuel Studio Ciné Live (tout en gardant la marque Studio pour des hors-séries événementiels), opérant un curieux retour en arrière de quelques décennies. Le choix est pourtant logique à l’heure où la critique contemporaine et la cinéphilie se sont plutôt déportées sur internet et vers des magazines de niche très spécialisés. La presse cinéma populaire et grand public a vécu, en attendant – peut-être – les idées nouvelles qui la relanceront un jour. Un journaliste aura été au cœur de ce long cycle de quarante ans qui fait partie désormais de l’histoire de la presse française. Dans L’Homme qui tua Liberty Valance, John Ford a lancé une idée restée célèbre : « Si la légende est plus belle que la réalité, imprimez la légende. » Mais pour certains parcours, la réalité est la plus belle des choses à raconter.
À lire dans ce numéro
Ce numéro de Terra Incognita est 100% web ! L’ensemble des articles sont accessibles gratuitement ci-dessous :
DOSSIER : Entrepreneurs des médias
JÉRÔME RUSKIN, Usbek & Rica
Un média citoyen, politique et engagé
FRANCOIS SIEGEL, We Demain
On n’a pas d’autres choix que d’être optimiste
MAXIME LELONG, 8e étage
L’information vue d’en haut
MARIE OUVRARD, Encore
Revue d’une génération culottée
BAPTISTE GAPENNE & WILLIAM BUZY, La Part du Colibri
Quand le journalisme est la solution
BÉATRICE SUTTER, L’ADN
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JEAN-PIERRE LAVOIGNAT, Studio & Première
A l’origine d’une presse cinéma
PATRICK DE SAINT-EXUPÉRY & LAURENT BECCARIA, Ebdo
« Un journal pour ceux qui n’ont jamais lu de presse »
JÉRÉMY CLÉDAT, Welcome to the Jungle
Faire du print en dépit du bon sens financier
REBECCA ANSELLEM, Les Glorieuses
Le succès de l’engagement politique
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Un robot pour reprendre le contrôle sur son information
ANTOINE ROBIN, Spicee
Pour un « algorithme de la curiosité »
JÉRÉMIE NACACHE, Explore Media
Injecter de l’intelligence sur les réseaux sociaux
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