EVENEMENT

François Hisquin

UNEXPECTED SOURCES OF INSPIRATION

Geek, curateur, écolo et marathonien

Interview et rédaction : Laure Coromines

TERRA INCOGNITA #04  S’ENGAGER POUR UN MONDE MEILLEUR

Par une matinée grise et moite, nous avons retrouvé François Hisquin au cinquième étage de ses bureaux au coeur de la capitale. Le fondateur du cabinet de conseil IT OCTO Technology et de la conférence USI venait tout juste de rentrer de Russie, où il avait assisté à la finale France-Croatie. Alors naturellement, nous avons commencé par papoter football. Enchanté par la victoire (“Un gros kiffe, évidemment !”), le CEO quinqua rouspète gentiment contre l’absence de supporters Français dans le stade et dans les rues de Moscou. Il confesse aussi dans un sourire sa préférence pour le joueur N’Golo Kanté, “sa timidité maladive, sa simplicité, son humilité, il est touchant…” Après un café, on s’attaque aux choses sérieuses : son parcours lors duquel il n’a jamais perdu le Nord, le lancement de l’USI et son implication dans la cause écologique.

Une conférence où les gens ne vont pas zoner sur Twitter

La tech, François est tombé dedans quand il était petit. Entre Commodore 64 et Atari, il découvre le code, et c’est un déclic : “Pour moi, écrire du code, c’était comme jouer à un jeu vidéo, cela ne me donnait pas l’impression de bosser.”

Après une prépa et une école d’ingénieur parisienne, François travaille pour une SSII, “comme on les appelle à l’époque”, avant de réaliser un MBA à l’Essec. Empressé et bosseur, il n’attend pas l’obtention de son diplôme pour fonder OCTO Technology en 1998, “un cabinet d’architecte en SI”, qui entend faire de la crème quand les autres font du lait.

Presque 20 ans plus tard, François s’ennuie ferme lors d’une conférence Gartner, tout comme le reste du public qui pianote frénétiquement sur son clavier et s’attarde sur Facebook.

En réponse à cet évènement soporifique, iI lance une conférence répondant aujourd’hui au doux nom de “USI”, pour “Unexpected Sources of Inspiration”. Initialement très branchée techno, l’USI brasse aussi sociologie, design, économie et philosophie, bref, tous les sujets sociétaux qui permettent de prendre du recul.

Rassemblant des intervenants aussi brillants hétéroclites comme Jim Lovell, commandant d’Apollo 13 (“Houston, we have a problem”), Monica Lewinsky, Cédric Villani, Michel Serres, Laurent Alexandre, Yann Lecun, Simon Sinek, et Chris Anderson, l’USI en a fait vibrer plus d’un. Et ce n’est pas ceux qui ont assisté au très émouvant talk de Neil Armstrong en 2008 qui diront le contraire : « Saint-Exupéry disait, ‘si tu veux construire un bateau, ne rassemble pas des hommes pour aller chercher du bois, préparer des outils, ou répartir les tâches… mais enseigne aux gens à aimer la mer’. J’ai eu la chance de travailler pour des gens qui m’ont appris à aimer l’espace. »

Quelle est la recette de François pour composer son panel ? C’est quoi, un bon talk? Celui qui crée des déclics, comme celui de Salim Ismaël ou de Dan Ariely. François a conçu son propre baromètre : “Je mesure la qualité d’une conférence au temps où il t’en reste quelque chose… Par exemple, je sais que j’ai changé durablement certains de mes comportements en écoutant Monica Lewinsky.”

L’ambition de François n’est pas des moindres : évoluer vers le 0 défaut. “Pas simple de combiner excellents speakers et sujets innovants. D’autant plus que nous ne sommes pas les seuls à essayer de faire ça…” Son procédé : dégager les thèmes qu’il souhaite aborder tout en se laisser un peu de mou. C’est cette marge de liberté qui lui permis d’ouvrir la porte à Kenneth Lacovara, paléontologue et humaniste, auteur de l’ouvrage Why Dinosaurs Matter, qui a fait sienne la maxime de Winston Churchill : “plus on regarde loin en arrière, plus on distingue loin devant.”

Si la plupart des speakers partagent des visions alignées à la sienne, ce n’est pas toujours le cas. François entend donner la parole à tout le monde, et au public de se forger ensuite une opinion ! “Enfin, je ne ferais pas non plus venir un négationniste du changement climatique…”, tempère François avec une grimace.

Son rêve pour l’USI : Barrack Obama. Mais bon, il ne chasserait pas non plus Elon Musk de son lit à coup de pieds…

Pessimiste, oui, mais colibri quand même

François a toujours été dans la quête de sens, mais depuis quelques temps, son intérêt s’est déporté des technos pures à leurs usages, et de ce qu’elles peuvent apporter à l’Humanité. Quand on lui demande d’où cela provient cette aspiration, il hausse les épaules : “ Je ne sais pas d’où cela vient…C’est forcément une histoire de rencontre, de choses que j’avais en moi depuis un petit moment…”

Tout particulièrement attaché à la cause animale, François est depuis deux ans Administrateur de l’Institut Jane Goodall, créé par la célèbre primatologue et anthropologue britannique, pour aider les humains et la faune à mieux vivre ensemble.  Et comme il s’intéresse aussi à la nature, il collabore également avec le reporter écologiste Yann Arthus Bertrand au sein de sa fondation GoodPlanet. “Un jour je me suis dit, donner de l’argent, c’est bien, mais donner de son temps, c’est mieux.” Il cite aussi son ami Yann : “les causes sont belles, et s’engager rend heureux.”

Heureux, certes, mais pas forcément très optimiste. De son propre aveu, François est “plutôt” sceptique quant à l’avenir, que cela soit en termes écologiques ou technologiques. Il ne partage pas l’avis communément répandu qui estime que le danger provient de notre incapacité à appréhender les risques : “Au contraire, on a déjà tout anticipé avec la SF !” Pour lui, le problème, comme la vérité, est ailleurs. “On connaît les risques, on connaît les images, les chiffres : un tiers des espèces détruites en moins de 10 ans ! Ce serait du bon sens, et pourtant, on ne change rien. On reste régi par la logique économique.”

François marque une nouvelle pause pour réfléchir et ne prend plus la peine de nuancer son discours : “Je suis très pessimiste. J’espère avoir tort…”

Quand il ne travaille pas pour des fondations ou à la curation de l’USI, François passe du temps avec ses enfants et sa femme, dans leur maison d’Afrique du Sud, où il aime se ressourcer en faisant du sport et en regardant Peaky Blinders. Et depuis “une soirée un peu trop arrosée et un pari à la con”, il a aussi couru 6 marathons, dont celui de Boston en 3h20, sous la pluie, avec le vent en pleine face. “Un marathon, c’est un peu l’école de la vie : plus tu es préparé, plus c’est facile, plus tu es ambitieux plus c’est difficile…”

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