LITTERATURE

Rachel Vanier

Les multiples facettes d’une romancière

 

Interview, rédaction & photographies : Valentin Pringuay

 

TERRA INCOGNITA #04  S’ENGAGER POUR UN MONDE MEILLEUR

Quand on lui demande de se présenter, Rachel Vanier ne néglige aucun détail.

Elle nous raconte sa naissance en Hongrie (de mère hongroise), sa jeunesse à Lille, ses études en droit public et en macroéconomie suivies d’un premier job dans une startup.

« Quand je suis sortie de ma jolie école, tout le monde était consultant et gagnait six fois plus que moi. Ma mère a failli faire une crise cardiaque quand je lui ai dit que j’allais travailler pour une boîte qui faisait un plugin pour le CMS WordPress. Elle ne comprenait rien à ce que je faisais. »

Rachel reconnaît immédiatement que sa mère n’avait sans doute pas complètement tort : la boîte s’effondre peu de temps plus tard. Elle retient pourtant l’aspect positif de l’expérience : elle a pu rentrer dans cet univers startup dans lequel elle se sentait si bien.

Elle profitera de la période de transition professionnelle pour faire du journalisme. Sans surprise, elle écrira sur le monde des startups.

Rachel rejoint ensuite eFounders, startup studio qui co-fonde des entreprises BtoB entre San Francisco, Paris et Bruxelles.

Son premier roman Hotel International sortira à cette période et elle découvrira l’idée de ce qui allait devenir le second : Ecosystème.

Las de la vie parisienne, la jeune femme négocie avec eFounders pour partir à San Francisco quelques mois.

« Je me suis dit que j’allais me mettre en mode éponge à rencontrer plein de gens, à participer à de nombreuses soirées d’entrepreneurs et à noter toutes mes idées dans un petit carnet ».

Elle commencera à travailler sur la structure narrative à son retour de Paris, puis démissionnera avec la volonté de se consacrer à l’écriture pendant un an. La vie en décidera autrement sous la forme d’une offre d’emploi envoyée par Roxanne Varza, directrice de Station F, lieu auto-proclamé comme étant le plus grand campus startup du monde.

« Je suis partie en Décembre avec la perspective d’écrire pendant un an. J’ai commencé l’écriture en Janvier, en Février Roxanne est venue me chercher. J’étais un peu embêtée parce que l’on ne dit, évidemment, pas non à ce genre d’opportunité. »

Rachel réussira donc à compresser les douze mois d’écriture prévues en cinq mois, travaillant douze heures par jour pour boucler son texte avant sa prise de poste en Mai.

 

Dr. Startup & Mrs. Auteure

Maintenant directrice de la communication de Station F depuis deux ans, elle commente : « ça a été intense… c’est toujours intense en vérité. Nous avons d’abord eu un an de préparation avant l’ouverture, puis une année après l’ouverture où il fallait gérer 3000 personnes dans un building tout neuf que l’on ne maîtrisait pas… c’était sportif, et ça l’est toujours parce que ce n’est pas fini du tout. »

Comment concilier les vies d’auteure et de directrice de la communication de l’un des lieux les plus en vue de l’écosystème parisien ? Cela ne semble pas être une problématique pour Rachel qui ne se pose plus la question. Elle écrit pendant les week-end et les vacances et envisage de prendre un mois de congé sans solde si cela était nécessaire pour achever son prochain roman.

Elle s’amuse par contre de la différence d’état psychique entre les deux aspects de sa vie.

« Quand tu fais de la comm, tout est génial, tout est super dans le discours. On écrit des choses assez formatées. Alors que pour un roman, on va chercher dans les profondeurs de l’être humain… on va chercher la noirceur, c’est radicalement opposé. »

Si elle pouvait vivre de son écriture, le ferait-elle ? La question semble pertinente. Rachel la balaye pourtant du plat de la main, citant deux raisons majeures. La première est une barrière financière : il faudrait qu’elle atteigne un succès colossal pour maintenir son train de vie actuel.

« Et puis l’écriture plonge dans un mode de vie qui n’est pas évident : c’est très solitaire. Il m’arrive de me mettre à rire toute seule devant mon écran, ou bien de pleurer… tu n’es plus très adaptée socialement. »

Elle rappelle alors que les écrivains ont tous un job sur le côté depuis au moins le 19ème siècle. Ils tiennent historiquement des postes de journalistes, de chroniqueurs radio, de professeurs.

« Moi je suis dir comm, lance-t-elle en souriant. J’adore mon boulot donc je n’ai pas envie d’en changer. »

 

Obsession de romans

Il ne faut pourtant pas passer des heures avec Rachel Vanier pour comprendre combien l’écriture est un mode d’expression intrinsèque à sa personnalité, comme un élément vital, une soupape qui laisse s’échapper la pression de ses obsessions.

« Je pense que tous les romans sont l’aboutissement d’une sorte d’obsession que son auteur a pour un sujet, pour un truc qui le taraude, explique-t-elle avec conviction. A l’époque où j’ai voulu écrire Ecosystème, ce qui me fascinait particulièrement c’était la question de l’ambition alors que j’étais entourée d’entrepreneurs, de gens qui voulaient casser la baraque, qui voulaient changer le monde… »

Ces réflexions la poussent ainsi à se poser la question de sa propre ambition, de ses propres choix de carrière, de sa volonté constante de sortir de sa zone de confort et de rechercher perpétuellement le risque.

Elle décide alors d’écrire un roman qui analyse cette notion avec une dimension très générationnelle et avec pour cadre ce monde de l’entrepreneuriat qu’elle connaît si bien. Un milieu que l’on « fantasme pas mal… les médias n’en font pas un tableau que je trouve juste. L’exercice du roman permet justement de faire ce que ne font pas les journalistes… parce que ce n’est pas la même voix qui parle, on n’est pas astreint aux mêmes contraintes. »

 

Processus créatif

« Dans le monde des romanciers, explique-t-elle. Il y a ceux qui font des plans détaillés avant d’écrire, et ceux qui commencent chapitre 1 ligne 1 et qui se laissent porter par leurs personnages. Les auteurs sont soit dans l’une ou dans l’autre de ces deux catégories. Stephen King, par exemple, est dans l’école qui se laisse porter par les personnages. Je suis dans la catégorie des plans détaillés. »

Une fois qu’elle a détecté le truc qui la taraude dans ses tripes, elle va donc faire énormément de recherches. Pour ses romans, elle a ainsi lu tout la littérature qui existait autour de l’ambition pour Ecosystème, et sur le deuil et l’expatriation pour Hôtel International. L’idée n’est pas de recracher ces concepts dans le livre, mais elle laisse macérer toutes ces lectures en espérant que cela infusera dans le roman.

Elle va ensuite faire des biographies complètes de ses personnages, définissant s’ils ont eu une enfance heureuse ou malheureuse, s’inspirant de telle ou telle personne qu’elle a pu croiser.

Rachel se retrouve alors avec un plan détaillé avec un grand tableau couvert de post-its.

Elle avouera alors que le gourou startup Alessandro de son livre est calqué sur un gourou bien connu de l’écosystème français (si elle n’a pas divulgué son nom directement, on parierait qu’il s’agit d’Oussama Ammar de The Family).

Elle reconnaîtra aussi que, contre l’attente des nombreuses personnes qui veulent croire que les personnages féminins représentent Rachel, elle a mis bien plus d’elle-même dans Lucas que dans Marianne.

L’interview aura été un grand travail d’introspection pour Rachel Vanier qui semble s’amuser du chemin parcouru : « Quand je vois mes stagiaires qui me disent : je ne sais pas ce que je vais faire de ma vie. En réalité, je me rends compte que l’on s’en sort peu importe ce que l’on a fait comme formation. »

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