EVENEMENT

 

Malene Rydhal

AUTEUR & COACH

Combattre les illusions du bonheur !

Rédaction : Anne Taffin

TERRA INCOGNITA #04  S’ENGAGER POUR UN MONDE MEILLEUR

En 2012, l’ONU publiait son premier rapport mondial sur le bonheur, déclarant ainsi le Danemark, pays où les citoyens sont le plus heureux au monde, juste devant la Norvège. Les peuples nordistes auraient-ils trouvé la recette ou l’équation du bonheur, malgré leurs conditions climatiques difficiles? C’est la question que s’est posée Malene Rydhal, directrice de la communication dans un grand groupe hôtelier à l’époque. À force de recherches et de persévérance, elle finit par trouver , non pas une recette, mais les graines à semer sur le terreau de notre chemin de vie. Passionnée par le sujet, elle finit par quitter son job pour devenir une enquêtrice, une coach et une entrepreneuse du bonheur.

Lorsqu’elle débute ses recherches, Malene est encore en poste. Pendant deux ans, soir et week-end, elle part en quête de ce mystérieux bonheur à la danoise. Une épopée qui donnera lieu à son premier opus « Le bonheur à la danoise » dans lequel elle expose les principales « raisons » qui permettent aux danois de s’épanouir. « Il y a trois éléments : le taux de confiance entre les gens, la liberté de choisir la vie que l’on désire et l’importance du projet collectif ».Assoiffée de connaissance, elle décide de quitter son job pour se lancer pleinement dans cette aventure en devenant autrice et coach en bonheur. L’expression peut porter à sourire pourtant, de grandes chefs d’entreprise font appel à elle pour réussir à trouver les clefs de leur propre bonheur. 

 

Libérons-nous de nos croyances !

Banche-neige, Cendrillon, Beverly Hills, Desperate Housewives, la famille Kardashian, nous sommes bercés depuis notre tendre enfance par l’idée que le bonheur résulte de la beauté, de l’argent, du pouvoir et de la célébrité. Une idée renforcée, jour après jour, presque minute après minute, par l’avènement d’Instagram et du slefie. Ces images, reflet d’une vie rêvée, nous entrainent encore une fois vers le chemin de la comparaison et d’un modèle de bonheur préfabriqué. Au lieu de nous connecter, la technologie nous met en concurrence et nous pousse ainsi à vouloir entrer dans des standards. Le premier d’entre eux étant, sans nul doute, la beauté.

Mannequin élancé, sourire éclatant, chevelure de rêve, poitrine rebondie…les magazines nous bombardent des mêmes types d’égéries, censées représenter un idéal à atteindre…mais toujours inatteignable. Car la perfection n’existe pas, et même Blanche-Neige, après une grippe carabinée, aurait les traits tirés.

Pourtant, cette tentation de la perfection et de la jeunesse éternelle entraîne chaque année, la réalisation de 17 millions d’opérations esthétiques aux Etats-Unis contre 400 000 en France. Au Japon, le phénomène a même pris une ampleur proche de l’acculturation, la chirurgie esthétique étant devenue le cadeau « parfait » à offrir à la majorité des jeunes filles.

Etre beau n’est pas si facile à vivre en réalité. « Les gens s’éloignent des gens beaux dans la rue, ils sont moins sollicités sur les sites de rencontre » explique Malene. Les mannequins avouent se sentir « sous pression » par peur de la concurrence et se sentir seule. Mais le pire pour Malene est que la « survalorisation de la beauté entraîne une dévalorisation du reste de la personne ». Sois belle et tais-toi ! Malene en a déjà fait l’expérience à mainte reprise durant ses pitchs. « Les trois premières minutes, les gens me jugent car ils s’attendent à voir un vieux monsieur barbu comme chercheur ».

Si Malene a appris à passer au-dessus des remarques désobligeantes, irrespectueuses et infondées qu’elle peut entendre, force est de constater que ces croyances liées à la beauté sont encore prédominantes dans nos sociétés. De même que la richesse et le pouvoir.

 

Lutter contre le syndrome du fantôme assoiffé

La question de l’argent est moins aisée à trancher. Si son accumulation n’est pas gage de bonheur, un revenu minimum est nécessaire pour assurer nos besoins primaires. Mais au-delà d’un certain seuil, il peut constituer une sorte d’entrave au bonheur. « Dans une étude, les ultra-riches idiquaient comme seuil de sécurité financière, 1 milliard de dollars » explique Malene. Une folie des grandeurs qui renvoie probablement à des modes de vie particulièrement consuméristes. Et c’est bien là que le bas blesse. L’acquisition d’un nouveau téléphone, d’une nouvelle voiture, d’un nouveau jean nous procure un sentiment de bien-être. « Ce sentiment de joie s’efface assez rapidement, c’est ce que l’on appelle l’adaptation hédonique » et qui entraîne à multiplier les achats, comme un drogué cherchant une nouvelle dose. Dans la culture japonaise, ce phénomène renvoie à celui du fantôme affamé, un homme constamment assoiffée et affamée mais totalement insatiable. jamais rassasié. Contrairement au bien-être et au plaisir, le bonheur s’inscrit dans la durée, de manière dématérialisée de la réalité et s’inscrit plutôt dans nos relations à autrui et à nous-même. « Les danois possèdent un taux de confiance en l’autre de 78%, ce qui explique une partie du bonheur dans le pays » estime Malene.

Etre dans une compétition constante, vouloir ressembler ou être mieux que l’autre, rend forcément jaloux et malheureux. Or, nous cherchons, depuis notre enfance, la reconnaissance de nos parents, de nos amis, leur amour, leur amitié. Un phénomène de plus en plus prégnant, notamment à travers les réseaux sociaux. « Ainsi, un adolescent sur deux dit vouloir être célèbre dont 78% pour n’importe quel raison » souligne Malene, inquiète du phénomène. Plus besoin d’être un humoriste, de savoir peindre ou chanter…avoir un secret et savoir le garder suffit à passer à la télévision et à bénéficier de sa minute de gloire. Cette reconnaissance, éphémère ou non, ne suffit pas. Chez les acteurs, 73% souffrent de maladie psychologique. 

L’acquisition du pouvoir n’est pas un gage de bonheur. Au contraire, 50% des PDG se sentent isolés et exclus en raison des pressions et des responsabilités qui leur incombent. 

Si entrer dans les standards imposés par l’éducation, les magazines et les médias ne rend pas heureux, peut-être que la solution est simplement d’être en harmonie avec nous-mêmes ?

 

Moi et nous : la clé du bonheur 

« Les danois possèdent un taux de confiance en l’autre de 78%, c’est une des raisons pour lesquels nous sommes plus heureux » estime Malene. Ce résultat est sans aucun doute lié à l’éducation danoise qui prodigue des cours d’empathie dès l’âge de 6 ans. « Les enfants apprennent à identifier et reconnaître leurs émotions, à les exprimer. Cela leur permet de mieux comprendre les autres » ajoute t-elle. Notre bonheur dépend, selon Malene, du bon état de nos relations avec autrui, de la confiance que nous instaurons en eux. Mais nos relations aux autres dépendent avant tout de notre relation avec nous-même. « C’est la personne avec qui nous passons le plus de temps par jour, il faut apprendre à prendre soin de nous et à nous connaître » estime Malene. Etre bienveillant envers soi-même et cultiver notre confiance en nous, constitue donc la première pierre pour édifier notre bonheur. Et encore une fois, le Danemark a trouvé une formule qui marche pour la développer chez ses jeunes pousses. « L’école danoise se focalise sur le développement de la personnalité de l’enfant. On valorisera son talent, qu’il soit manuel ou intellectuel, de la même manière. En France, si vous n’êtes pas intellectuel, vous ne valez rien ». Chacun contribue, à sa façon, au développement de la société et son travail est ainsi respecté. « On appelle ça le syndrome de l’éboueur heureux. Tout le monde reconnaît l’importance de son rôle dans la société et ce n’est pas considéré comme un sous-métier » souligne Malene.

Au fond, la formule du bonheur résiderait dans l’alignement de nos valeurs. « Si nous arrivons à faire un métier qui nous plait, qui est aligné avec nos valeurs et qui contribue à un projet collectif, nous traçons les sillons de notre bonheur ».

 

Le bonheur est un chemin, pas un but

Que l’on soit chef d’entreprise ou lycée, changer reste toujours difficile et nous oblige à sortir de notre zone de confort. En tant que coach, Malene propose à ses clients « d’identifier les 10 valeurs qui les ont le plus influencés pour devenir qui ils sont ». Sécurité, persévérance, justice, amour, contrôle, sacrifice, empathie…la liste est vaste ! Elle analyse ensuite avec eux les bienfaits et les coûts négatifs.  « On peut changer de boîte 10 fois et dire que ça se passe mal. Si on ne travaille pas sur ses valeurs, on tournera en rond, que ce soit dans nos relations professionnelles ou personnelles ». Malene travaille ensuite sur les croyances que nous avons construites. Son objectif est de nous rendre responsable et libre de faire nos propres choix. « Maintenant que je sais comment est mon système, je ne suis plus une victime, je fais mes propres choix, je ne peux plus me cacher » assène Malene.

En parallèle de cette partie « business », Malene caresse l’ambition d’intervenir dans les écoles et notamment les lycées pour « avertir sur les dangers des réseaux sociaux et les illusions du bonheur ». Pour souligner l’intérêt de telles conférences, elle va faire réaliser une enquête sur les rêves des adolescents français (entre 15 et 18 ans) l’année prochaine. « Si les résultats montrent que 50% des ados veulent être célèbres et détestent leurs corps à cause de standards fous, c’est qu’il faut faire quelque chose ».

Avant de partir, Malene distille un dernier conseil, « cultiver chaque jour notre capacité d’émerveillement en savourant nos privilèges ».

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